Elia Rodière est née et vit à Paris. De formation philosophique, elle effectue une recherche entre philosophie et art en utilisant différents médiums : le court-métrage, le conte philosophique et la danse, en tant que directrice artistique.
« Mes rêves d’enfant ont été déterminants, je crois, pour la direction qu’a prise ma vie.
Lorsque j’avais 6 ans, je répondais à la question commune : « Que veux tu faire plus tard ? » ces mots laconiques : « écrivain ou écureuil. » L’écureuil me plaisait car il était roux, comme moi, et parce qu’il sautait de branche en branche mais avait pourtant un côté prudent. La prudence imprudente voici un joli blason.
Puis à 10 ans, à ma demande, j’ai reçu mon premier appareil photo.
Alors, tous les ingrédients de ma recherche ont été réunis : installation éphémère, quête de sens, fiction et volonté de passer par l’image pour exprimer idées et émotions mêlées. J’essaye encore aujourd’hui ! Appelons ça de l’obstination. Ou de la persévérance. Ou plus simplement l’impossibilité de cesser de chercher avant d’avoir obtenu un élément de réponse.
Exposer mon travail n’a pas été une évidence pour moi. S’exposer revient à entériner l’épreuve de la grande solitude. Pendant longtemps j’ai préféré poursuivre ces moments de plaisirs partagés découverts dans mon enfance auprès de ma mère, musicienne professionnelle, que j’accompagnais dans ses répétitions et ses concerts, profondément attentive à son travail. J’ai donc naturellement commencé par guider les autres artistes, en les aidant à toucher les profondeurs singulières, inimitables, dont ils étaient porteurs, souvent sans le savoir.
Ma rencontre avec le danseur Fernando Lopez, en 2011, a légèrement modifié cette position : il s’agit à présent davantage de création commune que de direction. Ensemble nous travaillons la matière vivante, éphémère, qu’est le geste issu d’un corps devenu outil d’expressivité. Nous racontons des histoires, avec le secours sporadique du mot, pour faire résonner le récit affectif, sans mot, que nous souhaitons exprimer.
En tant qu’être profondément affectif, certains pourront penser que je magnifie mes rencontres déterminantes, finalement peu nombreuses. Ils n’auront pas tort. Mais je sais aussi que mon inscription au monde est faite de résonnances émotionnelles, et qu’en dehors d’elles je ne suis qu’un bois sec.
Si l’on me demande pourquoi j’utilise différents médias, je réponds volontiers qu’à mes yeux l’inverse serait comme de refuser de discuter avec des êtres souhaitant initier un dialogue mais dont vous ne parlez pas la langue. J’ai un ami dont je ne parle pas la langue et je crois, profondément, que cela nous oblige à une écoute non blasée, à inventer une oreille nouvelle pour nos mots dont les réseaux implicites de sens sonnent comme des questions, jamais comme des réponses. Ceci ouvre un angle dont la plus grande menace serait de se fermer.
M’exposer n’est pas naturel, mais c’est aussi une grande joie que d’accueillir auprès de ma vision intime, forcément bien gardée, d’autres vies intimes, aux affects nécessairement libres. Une autre manière de partager des moments créatifs, et, je l’espère, d’épanouir de nouvelles créations. » ER