"Marie-Jeanne Rodière, alors jeune musicienne, découvre les pastels vers l’âge de 20 ans. Tout entière absorbée par sa carrière de soliste, elle délaisse cependant un moment cette pratique, jusqu’à ce qu’en 2000, elle décide de reprendre son travail plastique. Mais qu’on ne s’y trompe pas. Devenue plasticienne, Marie-Jeanne Rodière reste encore musicienne. Jouant avec les craies comme avec un piano, elle conjugue les couleurs comme elle plaquerait des notes sur les touches du clavier. Les différentes nuances se superposent ainsi pour créer une ambiance singulière, ronde et pleine, à l’image des accords qui appellent chaque fois un sentiment unique.
Nourris des nombreuses années de recherche musicale, ses tableaux vibrent d’ailleurs de cette intensité, cette radicalité dans le geste et le but, qui caractérisent son travail vocal. Quiconque l’a vue chanter a capella le Kaddish de Ravel, pieds nus, les mains recouvrant simplement le visage, aura compris son souhait de faire disparaître la personne derrière la musique, l’artiste derrière les vibrations qui émanent de son art.
Dans son travail plastique, cet épurement est porté à son comble car l’artiste de scène n’est plus présente ici qu’à travers ses tableaux, sans plus de trace du corps qui les a engendrés. Mais, tout comme sa musique, à l’image des sons qui évoque en nous telle ou telle impression, les tableaux au pastel de Marie-Jeanne Rodière, s’adressent directement à notre émotion brute.
Pas même atténuée par le figuratif d’une forme rassurante, qu’elle fasse vibrer les jaunes, les ors ou bien les bleus, chaque pièce nous transporte au cœur du sentiment qui rythme les couleurs que nous portons en nous. Happés par l’atmosphère qu’évoque pour nous la teinte dominante du tableau, nous voici transportés au cœur de la toile sur le chemin profond qui marque son épaisseur. Pas d’effets de trompe-l’œil : c’est bien à un voyage intérieur que nous sommes conviés. Périple vers nos troubles, vers l’émoi qui témoigne de la part de vivant que nous portons en nous. Pour que s’exprime peut-être encore un peu plus fort notre musique intérieure ?" (Elia Rodière)
