Christophe Tastet :
Né le 10 novembre 1965 en un lointain pays étranger où trouver de l’eau est un problème (Bergerac), le petit Christophe, issu d’un curieux croisement entre un landais et une lorraine (d’où son goût pour le béret et les sabots), rêvait de devenir chanteur (...) Lire la biographie complète
Soirée de sortie du livre Contes affables (éditions Mines de rien) de Christophe Tastet, avec des illustrations de Denis Bauduin
en présence de l’auteur animateur à France-Bleu Limousin
Un choix de Contes affables sera dit par les comédiens :
Antoine Coesens
Cyrille Thouvenin
Grâce de Capitani
François-Eric Gendron
Alexandra Kazan
Claude Mercutio
Louise Pasteau
Olivier Saladin (sous réserve)
Florie Vialens
Soirée animée par Oriane Bonduel
En partenariat avec l’association Poésie & Chanson Sorbonne
Préface
Selon Frédéric Dard, « La Fontaine était un homme affable ». Christophe Tastet l’a pris au mot, intitulant son ouvrage Contes affables, où l’on entend également Contes à fables. Il aurait tout aussi bien pu choisir ce deuxième titre, mais son regard souriant sur les êtres et le monde l’en a retenu. Dès le titre, nous savons où nous sommes : non dans la parodie, pas plus dans l’humour à gros sabots, mais dans la savante délicatesse. Plus Desproges que Bigard, en somme.
Malgré sa modestie naturelle, Christophe Tastet dédie son livre à quelques grands des Contes et des Fables, aussi bien écrivains qu’illustrateurs, mettant en lumière la tradition de l’illustration dans ces deux arts, tradition qu’il poursuit avec Denis Bauduin, dont les images prolongent son écriture. Il n’oublie pas « les anonymes qui ont colporté contes et fables », car les histoires existaient souvent à l’oral. Les Contes sont, avant tout, l’œuvre de conteurs, il était bon que cela soit rappelé.
Il aurait également pu mentionner un des rares fabulistes du xxe siècle, Pierre Béarn. Peu de concurrence en effet chez les fabulistes. Pour notre xxie siècle, l’horizon est dégagé, et Christophe Tastet l’ouvre de belle manière. Dans la façon qu’il a de faire évoluer avec humour et tendresse son bestiaire, il a pourtant des points communs avec ce poète ayant traversé le xxe siècle (né en 1902, mort en 2004).
Christophe Tastet, contrairement à Béarn, tient à la moralité à la fin des textes, même s’il joue avec les codes de cette moralité, même si sa morale est parfois décalée, souriante, un adjectif qui convient bien, décidément, à son écriture. L’humour et le décalage ne privent pas l’auteur d’être ancré dans son époque, avec, parfois, ce « charme acide de la révolte » cher à Alain Souchon. Ainsi, dans la moralité du premier Conte affable de ce recueil, « Le papillon aventurier » : « Le soin du fort à secourir le faible n’assure pas au second l’aide qu’il en espérait. Laisser à son seigneur la charge d’améliorer son sort n’empêche en rien d’être par lui broyé. »
D’ailleurs, faut-il écrire « dans le premier Conte », ou « dans la première Fable » ? Ces textes ne sont ni complètement Contes ni parfaitement Fables, si l’on s’en tient à leur définition stricte. Mais Christophe Tastet fait bien d’ouvrir grand les portes et les fenêtres, car dans l’histoire de la littérature, ce sont, d’abord, les écrivains qui font évoluer les définitions.
C’est donc bien un genre qu’il nous est donné de découvrir ici, chaque texte étant un Conte affable, une catégorie nouvelle créée par Christophe Tastet. En effet, affables, ces textes le sont. Ils se donnent à lire avec plaisir, accueillant le lecteur avec bienveillance et délicatesse.
Des êtres humains passent aussi, ici ou là. Il arrive même à l’auteur d’oser le « je », comme dans « La clown », très beau texte sur les apparences, un thème que la chanson a beaucoup utilisé, de Marcel Amont dans « Moi, le clown » à Henri Tachan qui, dans « Ne rencontre pas les artistes », écrivait « Puis l’rideau tombe / Dessus leur tombe / Et plof ils se retrouvent sur le cul ». C’est ce qui arrive à cette clown imaginée par Christophe Tastet, qui ne sait pas se défaire de l’image qu’elle veut donner d’elle-même pour pouvoir aimer. Sous la légèreté percent des interrogations : qui et comment aime-t-on ? Est-on toujours soi-même quand on aime ? Qu’est-on prêt à dissimuler de soi pour se sentir aimé ? D’ailleurs, écrit-il plus loin dans la moralité de « L’isard derrière le hublot » : « L’amour est ainsi fait de deux regards. L’un ne sait jamais ce que voit l’autre. Ce qu’il imagine romance peut n’être que gourance. »
L’esprit caustique de Christophe Tastet est cependant toujours présent, qu’il soit question d’un Christian Seguin, descendant du Monsieur Seguin des chèvres (il ne pouvait prénommer son personnage Philippe), d’un « Petit Bonichon rouge » ou de trois fées dont les noms sont Déveine, Guigne et Poisse. On croise même un détective, un certain Hercule Holmès.
L’humour n’empêche pas la mélancolie ni la tristesse, comme dans « Le monologue de l’inséparable » ou « Un amour de cigogne », qui se termine ainsi : « Amour et amitié se nourrissent de promiscuité. Levez votre verre à vos amis d’enfance, à celles et ceux que vous avez aimés. Buvez aussi à la santé de celui que vous avez été et qui n’est plus. » Nous savons que « l’humour est la politesse du désespoir ». Un certain nombre de textes de cet ouvrage nous le font ressentir, par petites touches.
On referme ce livre avec le sourire, et quelques questions se promenant dans la tête. La morale de l’ensemble se trouve au début de « La plume de canard » : « Vivons du mieux que nous pouvons avec ce que la nature, le destin, Dieu, qui vous voulez, nous donne. » Là encore, on n’est pas loin de Pierre Desproges, qui proclamait : « Vivons heureux en attendant la mort. »
Matthias Vincenot
2bt2K81_mDc